Opinion | Valorisation dans le numérique : un alignement durable des planètes

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L’accélération de la transformation numérique des entreprises accroît de façon inédite les besoins en ressources qualifiées. La raréfaction des experts disponibles qui en découle met la chaîne de valeur du numérique sous tension et accroît en retour la valorisation de l’ensemble de ses maillons. (Par Alexandre Folman, fondateur de Crescendo Finance)

Par Alexandre Folman (fondateur et managing partner de la banque d’affaires Crescendo Finance)
Publié le 28 sept. 2021 à 18:10Mis à jour le 29 sept. 2021 à 11:53

La crise du Covid diffère en tout point de celle des subprimes, pour le secteur technologique. En réalité, elle joue même à rebours. Alors qu’il y a une douzaine d’années, l’essor des primes de risque asséchait (temporairement) les flux de financement, les valorisations ne cessent aujourd’hui de battre des records à la hausse. Que s’est-il passé ? En réalité, la rareté a changé de camp. Ce ne sont en effet plus les capitaux qui manquent, loin s’en faut. Le contexte monétaire actuel et l’abondance d’épargne font en effet plier l’industrie du capital-investissement sous les liquidités, qu’il s’agit désormais d’employer massivement.

Le problème est du côté des opportunités d’investissement. Beaucoup a été dit sur la crise sanitaire qui, en imposant le télétravail, a remodelé les organisations vers plus de mobilité et d’agilité et accéléré comme jamais la transformation digitale de l’économie. Reste que faute d’un accès suffisant aux ressources-clés et de la capacité à les déployer efficacement, les entreprises, et notamment les grands comptes, sont amenées à confier à des acteurs externes la tâche de transformer leur organisation.

La concomitance de ces besoins, qui infusent l’ensemble de l’économie au même moment, a comme première conséquence de renforcer la prévisibilité des modèles économiques des acteurs les mieux positionnés pour répondre à ces besoins, qu’ils s’agissent d’ESN, d’éditeurs et autres startups. Cette configuration favorable apporte aux acteurs du capital-investissement les deux qualités premières qu’ils recherchent, la résilience et la croissance, et aiguise l’appétit des industriels soucieux d’internaliser ces moteurs de disruption. Résultat : un afflux continu de capitaux vers les meilleurs dossiers et une inflation sans précédent des multiples de valorisation.

Mais il est une autre conséquence de l’accélération de ces transformations. L’hypercroissance des acteurs du digital qui en résulte bute à son tour sur une autre rareté, celle des ressources humaines qualifiées dans les expertises les plus demandées, comme par exemple le Big Data ou la cybersécurité. Cette rareté s’accompagne d’une mobilité, voire d’une autonomisation croissante de ces ressources, comme en témoigne l’essor du freelancing, du portage salarial et des modèles de type marketplace, destinés à fluidifier la rencontre entre l’offre et la demande de compétences-clés.

Elle amène également les acteurs du digital à structurer leurs propres centres de formation interne et déplace cette tension vers l’ensemble du secteur de la formation, sommée de répondre à la demande en créant de nouvelles capacités. D’où une forte visibilité dans les plans de marche et un afflux inédit de capitaux. La multiplication récente des transactions concernant des écoles informatiques témoigne de cet intérêt croissant, dans un contexte de consolidation accrue. Et la raréfaction croissante des dossiers disponibles devrait maintenir élevés les multiples de valorisation pendant encore un bon moment.

Alexandre Folman est fondateur et managing partner de la banque d’affaires Crescendo Finance.